Lettre imaginaire de la Reine de Saba adressée au roi Salomon lue lors de la Fête de clôture de Salomon 2024
Moi, Bilikis,
Reine d’Ethiopie, du Yemen et du sud de l’Arabie,
Souveraine des tribus qui labourent le désert,
Maîtresse des oasis qui y permettent la vie,
Gardienne et protectrice des Villes et des villages qui nourrissent mes Terres,
Impératrice de Saba,
A Salomon Ier, roi d’Israël par la volonté de son Dieu et de son Père David,
Que sa Gloire et sa Sagesse se répandent jusqu’au dernier Horizon.
Mon chouchou.
Je t’écris ce petit mot pour te dire qu’après plus de quinze jours de voyage, je suis bien arrivée chez moi, saine et sauve, malgré la chaleur, les bêtes fauves et les moustiques qui ne comprennent pas ce que « agacer » veut dire. Je me demande bien pour quelle raison ton Dieu si sage et si puissant les a créés ; et avant toi ! Est-ce là une preuve de son infini amour ou de son délicat humour ?
Bref, je suis bien arrivée.
Je ne reviendrai pas sur les raisons de notre différent et de mon départ immédiat. Je dirai juste que le fait de devoir partager ton savoir, ta présence et ta sagesse avec plus de trois cent autres « auditrices » ne me semble pas être les bases d’une relation saine. Surtout quand l’une de ces auditrices ’s’agenouille systématiquement à tes pieds et te mange littéralement des yeux. Ne nie pas, j’étais là, je l’ai vu. C’est insupportable.
Non, rassure-toi, je ne profite pas de cette lettre pour t’infliger une autre dispute (que tu mérites, soit dit en passant). Restons-en là. Tu as fait ton choix. Poursuis ta route et moi la mienne.
Je te pardonne. Mais je n’oublie pas.
Je voudrai plutôt te remercier pour la présence du jeune homme que tu as chargé de m’escorter. Je te le renvoie à regret avec cette lettre.
Un charmant jeune homme, d’ailleurs. Poli, bien élevé, attentionné et pas laid du tout. Prends garde à toi, si tu t’entoures aussi bien, c’est peut-être auprès de lui que je viendrai la prochaine fois me nourrir de sagesse… Si je reviens un jour…
Oh, mon chouchou, j’imagine la tête que tu fais en lisant ces lignes, ton petit front doit être tout plissé…
Je plaisante, Monsieur le Roi, je plaisante.
Rassure-toi, tu n’auras jamais de rival en mon cœur… du molns en ce qui concerne la sagesse.
Ce jeune homme m’a raconté une drôle d’histoire… Il parait qu’alors qu’il était bébé, tu as voulu le couper en deux d’un coup d’épée ?
Quelle horreur !
Et il ne t’en veut même pas ? Il m’a expliqué bien tranquillement que cela a été ta première manifestation de sagesse ? Je n’en ai pas cru mes oreilles.
Comment peut-on en toute sagesse décider de trancher un enfant en deux ! Je sais que tu ne l’as pas fait, mais ce n’est pas ta conscience ou ton jugement qui t’en a empêché mais le cri de sa mère ! Sans elle, tu aurais commis une belle bourde !
Surtout, quand on voit le beau jeune homme qu’il est devenu. Je me demande d’ailleurs si, finalement, je vais te le rendre… Je plaisante.
Ah ! Je vois d’ici tes sourcils se froncer.
Mon Dieu, Sal…
Je peux t’appeler Sal ? Je sais que seule ta mère avait ce privilège mais l’autre nuit, coucher côte à côte, cela ne t’a pas déplu, non ? Et puis, puisque tes choix m’ont contrainte à te quitter, je peux t’appeler comme je veux, bourricot indécis. Et si tu veux m’en empêcher tu sais où me trouver.
Pour revenir à ce jeune homme, Shemesh, c’est le nom que sa mère lui a donné (ce qui signifie Soleil, n’est-ce pas ?), comme je le disais, il ne t’en tient pas rigueur ! Il t’est même reconnaissant. Pour quelqu’un qui a failli mourir de ta main, je le trouve un peu… naïf ?
Oui, d’accord, tu l’as accueilli au palais, tu as permis son éducation, tu lui as donné un emploi, une reconnaissance, d’accord, d’accord, d’accord… Mais tu as voulu le couper en deux pour régler un peu brutalement un problème qui n’était pas simple. Cette façon de vouloir rééquilibrer cette quasi connerie (oui ! Connerie !) est la moindre des choses, il me semble.
Enfin, d’après ce qu’il m’a dit, il semble reconnaissant. Il a ajouté que tu t’es occupé de sa mère aussi, c’est bien. Je n’ose pas te demander comment.
Au fait, on m’a assuré également que tu parlais aux animaux, aux Djinns, aux oiseaux ? Tu m’as caché ça ? Ou c’est nouveau ?
Tout cela devient un peu ridicule. Quoi qu’il en soit, s’il est vrai que tu parles aux oiseaux, peux-tu convoquer cette petite peste de colombe qui s’est envolée avec ma boucle d’oreille ? Peux-tu me la récupérer, lui tordre le cou et en faire un pâté ? Ce serait bien aimable de ta part.
Quant aux Djinns ! Que te dire…. Je ne sais même pas à quoi ressemble un djinn. Quoi qu’il en soit tu dois être bien chanceux.
Enfin…
Pour revenir, à cette affaire, tu t’en es bien sorti, mais avoue que sans l’intervention de la mère… Ou alors, on peut dire que tu as eu la sagesse de te laisser émouvoir par son cri. Oui, on peut dire quelque chose comme ça.
Je ne sais pas ce que la mémoire collective va retenir de tout cela, et surtout de la manière dont tu as voulu… « trancher » un problème désagréable.
Quoi qu’il en soit, trente ans plus tard, on en parle encore. Il faudrait que tu prennes en main cet épineux problème, sinon les générations futures ne se souviendront de toi que comme un quasi-infanticide !
Bon, mon chouchou, je mets un terme à cette lettre que je ne voulais pas si longue. J’écris sous le regard patient de Shemesh qui, je le précise, me sourit d’une façon délicieuse.
Mais ce qui est dit est dit, je te le renvoie… après que je lui aurai dit deux mots en particulier.
Non, ne dis rien. N’en fais-tu pas autant avec tes « Auditrices » ?
Adieu, mon roi, nous aurions pu être heureux ensemble. Mais il te faut apprendre à te décider.
Tendres bisous de ta petite Biquilis.
Ps : J’oubliais, je suis enceinte.